Mes recherches portent sur la question du sublime. Elles avaient franchi une nouvelle borne dans l’utilisation du relief de la gravure sur bois pour servir le discours pictural. Récemment, le bois gravé a acquis le statut de matrice (un « tampon » en termes plus prosaïques), c’est à dire que j’utilise mes gravures pour imprimer sur papier. De cette utilisation ont découlé toutes les questions que se posent les graveurs. Mais un graveur traditionnel ne sort pas la matrice de l’atelier, elle reste un outil sans intérêt esthétique. La série « matrices et estampes » non seulement expose la matrice comme œuvre d’art à part entière, mais dévoile une dialectique entre la matrice et l’estampe, le bois et le papier, l’original et la série.
Ce dialogue prend place dans des motifs brutalement naturels, iconiques et apotropaïques, qui donnent voix à des paysages apocalyptiques (incendies et tornades, théâtre du sublime dynamique), immémoriaux (paysages préhistoriques) ou hostiles (planètes lointaines, horizon lointain du sublime mathématique), grognant une langue venue du fond des âges. Cette langue est traduite, de la matrice à l’estampe, au moment de l’impression. Elle perd son relief, de la même façon que nous avons perdu le sens de la nature dans le progrès technique. La matrice est mystérieuse, brute et pleine d’échardes ; l’estampe aplatit son sens sur le papier. La matrice énonce une vérité séculaire comme Cassandre, l’estampe comprend l’inverse (son opposé symétrique). La matrice est du côté du squelette, de la géologie et du pérenne ; l’estampe du côté de la chair, de la météorologie, du labile.