Totem de biais
11 janvier 2015
Huile, encre et blanc correcteur Tipp-Ex©
81 x 72
C’est un totem nocturne, évasif et dur à appréhender. C’est une puissance décisionnelle qui nous échappe. C’est le biais qui instaure le doute (le biais des lignes d’horizon).
Le projet de constituer un bestiaire remontait déjà à quelques mois. Mais le début du mois de janvier 2015, avec les événements sans précédents qui l’ont entaché, m’a propulsé dans l’exploitation d’un animal en particulier, la chouette.
Le tableau a été effectué en l’espace de cinq heures de temps, le dimanche 11 janvier, quelques heures après le grand rassemblement national de Paris. La semaine avait été tellement chargée en actualités et en réactions de la part de divers publics que personne en France ne pouvait rester indifférent. Peu importe ici la position du citoyen lambda: les attaques terroristes ayant eu lieu dans la semaine ont tellement suscité de réactions que personne ne pouvait s’empêcher de ressentir à un moment donné soit l’indignation, soit l’approbation, dans leur jugement des événements mais également dans le jugement des réactions à chaud de l’événement. Ainsi la réaction de Marine Le Pen: en ramenant au premier plan de son argumentaire le débat sur la peine de mort, elle s’attirerait forcément soit les foudres soit l’enthousiasme de son auditoire.
Ma démarche a ainsi été spontanée. Cette semaine exigeait la prise de position. Personne ne pouvait rester indifférent: que ce soit face à l’absurdité des attaques ou à celle de certains analystes. Ainsi ma réaction a été une réponse artistique franche et spontanée.
Pas de prise de position politique dans le sens d’une oeuvre volontairement dialectique et engagée. Pas d’illustration. Pas de narration picturale, mais bien plutôt une assertion simple et univoque.
La chouette est un témoin nocturne neutre et muet. Ses grands yeux prennent des notes, mais la chouette elle-même parcours le monde discrètement, dans les airs, et dans la nuit qui plus est. Témoin omniscient, l’animal m’évoque les deux corbeaux d’Odin, Hugin et Munin, qui remettent un rapport régulier à leur maître sur leurs observations quotidiennes. En l’occurrence, la chouette ne rend de compte à personne, aussi semble t-elle garder pour elle les informations recueillies, d’où le mystère qui entoure cet animal.
L’individu devrait selon moi voir certains traits distinctifs de la chouette comme exemplaires de l’attitude social à suivre. Non pas dans son isolement, mais dans la place qu’elle occupe dans son environnement: la chouette se présente avant tout comme observatrice de l’envers nocturne du monde. Sa vision nocturne symboliquement pourrait représenter la capacité de l’esprit humain à faire entrer des enjeux multiples dans sa réflexion analytique, et notamment ces enjeux qui sont difficilement perceptibles dans l’obscurité. Des enjeux explicites, clairs comme le jour, mais également ceux, plus difficiles à percevoir, sous-jacents, qui souvent sont d’une influence plus prépondérante.
Le biais traduit l’esprit en mouvement. Comme la chouette en plein virage dans les airs, l’esprit réactif devrait systématiquement opérer de biais. La trajectoire de la chouette, c’est l’esprit critique en mouvement. L’intelligence devrait se déployer et chercher le maximum d’amplitude pour prétendre à une certaine stabilité. Comment la chouette peut-elle prétendre connaître son environnement si elle ne le parcourait régulièrement, douée de sa vision nocturne?