Retournement des morts, province d’Antsirabe, Madagascar, 11 juillet 2018
Exposition
du 25-02-2021 au 07-03-2021
l’Alcôve, rue Leynaud, Lyon
du 11-01-2019 au 04-03-2019
Grenoble, La Bobine
du 05-10-2019 au 26-10-2019
à la droguerie, rue du port, Clermont-Ferrand
Le 20 octobre 2018
à Bussières (42)
Le retournement des morts est une tradition malgache au cours de laquelle la famille déterre ses défunts, change leurs linceuls, et fête cette occasion en leur compagnie.
La proximité avec les dépouilles ne s’achève pas en effusions de larmes comme dans notre culture occidentale. L’esprit est à la fête. Au regard de leur pouvoir d’achat, les familles dépensent des fortunes pour l’événement. Notre famille d’accueil cuit un cochon entier pour l’occasion. On perd le compte des caisses de bière et de rhum. Des sorbets arrivent de nulle part dans de grandes bassines. Une fanfare joue pour l’occasion. L’accueil est très chaleureux. Les familles sont fières que deux Blancs leur rendent visite. On me demande régulièrement de prendre des photos.
Fernand, notre hôte, me fraye un passage dans la foule vers un des premiers cercueils exhumés. Là se trouve un corps enturbanné dans un linceul. Fernand le saisit et le porte à bout de bras au-dessus de sa tête. Au-dessus de lui, un soleil d’hiver pâle. J’ai appris plus tard qu’il s’agissait de son père.
À plusieurs occasions, de jeunes femmes sont prises de convulsions, leurs proches essaient de les maîtriser. J’avais du mal à croire une telle puissance de la psyché dont on m’avait déjà parlé. Il s’agissait bel et bien de cas de transe.
Mon travail d’artiste consiste depuis dix ans à étudier le principe du sublime esthétique. Il s’agit de l’homologue de la beauté du côté de la peur. Un mélange de terreur et d’admiration lorsque l’on ose regarder l’abîme ou l’infiniment grand. Selon Kant, « sublime mathématique » lorsque l’on prend conscience de la petitesse de notre existence à l’échelle des astres, « sublime dynamique » lorsqu’une avalanche vous arrive dessus.
Et ce sont bien des forces colossales dont j’étais témoin à cette occasion. Les morts vous interpellent et vous forcent le regard vers l’immensité de l’Histoire, et vous forcent à y prendre place. Les esprits des morts participaient à la célébration. La photographie permet d’en garder une trace. La peinture permet elle de rajouter le filtre mystique qui dépasse le simple relevé mécanique de traces de lumière. Il en résulte une épiphanie (révélation d’une réalité cachée) qui fait entendre par échos la voix des morts.
Collaboration Khwezi Strydom
Que disent les morts ? Ils appellent à oublier un instant l’étroitesse de nos existences insignifiantes pour tourner le regard vers la profondeur des âges. Leur corps retournant à la poussière nous rappellent la vanité de nos vies. Leur oubli progressif nous pousse à oublier nos egos. La beauté est rassurante et on finit par l’oublier. Le Sublime lui, terrible épiphanie, traumatise et remet les pendules à l’heure.
[…] Madagascar […]