Archives pour l'Auteur : Robin Suiffet

Flocon d’Art 5, exposition patrimoine et empreinte du temps

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Vaisseau

Le bateau dont les restes sont exposés ici arrive en ligne droite de l’ancien temps. « L’ancien temps » ? Quel est le sens de cette expression désuète ?

Elle rassemble un lot d’images d’Épinal (la descente en Ramasse), de symboles (le cerclage du Beaufort), de légendes (le diable de Bessans), mais aussi de styles et d’esthétiques (le sépia, la photographie ancienne, la peinture de retable).

Au cœur-même de l’expression, il y a aussi l’idée d’une époque révolue : « C’était mieux avant » pour les plus nostalgiques. Il est vrai qu’il est parfois triste de voir les anciens refuser la modernité, mais comme partout, il faut essayer de comprendre leur point de vue, et partager avec eux un regard sinon sceptique au moins dubitatif sur les relâchements de la modernité. Trouvez les tares que vous estimez être inhérentes à la modernité (que l’on rattache souvent historiquement aux débuts du développement de l’ère industrielle). Si vous les confrontez aux images nostalgiques du passé, vous trouverez la trace de plus haute attentes de l’ère contemporaine : davantage d’altruisme, de dévotion, du respect pour soi-même et pour les autres, tout un lot de belles notions surannées. La réponse du cynique contemporain est toute faite : « ces valeurs ne tiennent plus dans un monde contemporain bien plus complexe que cette image d’Épinal simpliste ».

Je propose de sortir de ce débat par la comparaison suivante, très bien sentie par le journaliste Steve Honig : la Règle d’Or de l’âge classique était : « traite les autres comme tu voudrais être traité ». La Règle d’Or d’aujourd’hui ? « Celui qui a l’or décide des règles ».

Robin Suiffet

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Pierre de cendres et d’âme.

On voulait de Pierre qu’il ait des mains de femme, la seule chose que lui voulait c’était grimper aux arbres. Il l’avait conservé comme un trésor et dans un dernier mouvement déposé ici sur ce socle. Témoin d’éternité dans la fragilité d’une vie. Ce souvenir matérialisé dans une création était venu après la fin des hommes

Alexis Gnilka

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Photo-peinture

La gomme bichromatée inscrit la perte au cœur-même du processus de développement : cette technique photographique ancienne (mise au point autour de 1850) implique l’utilisation du bichromate de potassium, qui vient d’entrer depuis peu dans la liste des produits chimiques interdits en Union Européenne.

Sur un plan moins pragmatique, le rendu diaphane de l’image est le résultat d’une trace, celle d’un négatif sur une émulsion photosensible. C’est au cœur du processus photographique, autant que dans le rendu fantomatique, que se trouve l’expression artistique de l’usure.

Une autre série d’images implique de simples impressions jet d’encre sur papier Arches ou Canson retravaillées à l’aquarelle, entre autres techniques. Entre photographie et peinture, cette pratique hybride articule ainsi deux pôles de la pratique artistique : d’une part une pratique intuitive de l’art avec l’aquarelle, symbole s’il en est un de l’expression artistique libre, d’autre part la subordination à la technologie et la reproductibilité à l’infini de l’image.

L’encre de l’image imprimée est facilement en proie à la dilution, au mélange, à l’amalgame, au chaos de la « soupe primordiale » ; le papier, lui, se métamorphose au contact de l’eau, du feu et du frottement des pinceaux ; autant d’usures qui donnent chair au vieillissement en un laps de temps très court.

Les impressions jet d’encre retravaillées à l’eau illustrent dans leur thème et leur procédé la pente glissante de la modernité : montée des eaux et rapprochement de la catastrophe écologique, avenir flou guidé par des principes dilués dans le consumérisme, en bref, accélération des flux.

Le vieillissement accéléré appliqué à une image d’aujourd’hui fait prendre au regardeur le recul des années sur un sujet qui lui est contemporain. L’image qui en résulte recoupe de près mon désir théorique de prendre de la hauteur sur ce qui s’offre à l’œil ; de mettre en regard, au quotidien, notre conscience avec l’Histoire ; enfin de remettre l’observateur à l’échelle de son environnement dans toute sa petitesse. Du haut de ces montagnes, plus de soixante millions d’années d’Histoire vous contemplent.

Robin Suiffet

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Linogravures

On trouve dans les légendes la trame de notre inconscient collectif. Celui-ci, reclus dans les bas-fonds de la pensée, alors que les générations se succèdent et se remplacent à la surface, reste inchangé au fil des époques.

La triade suivante du Tarot rassemble le Diable, la Maison-Dieu et Tempérance.

Le diable de Bessans est une figure légendaire locale. Dès lors qu’il apparaît dans un conte, il tente le héros en lui promettant d’être riche. Sa forme curviligne incarne le serpent et la tentation. Son doigt tendu pique pour trouver les points faibles. La fourche pointe dans l’autre direction, mais elle n’attend qu’un geste rapide pour embrocher le pêcheur et l’entraîner dans l’abyme.

Maison-Dieu : le ciel punit l’humanité du pêché d’orgueil (hybris, la démesure). La tour est décapitée, ses habitants se jettent par la fenêtre. La tour de Babel se fend et s’écroule.

Tempérance incarne l’alternative à la tentation et l’hybris : elle est le symbole de la mesure. Le contenant de ses deux coupes reste toujours de quantité égale, en vase clos. Elle incarne la permanence de la biosphère.

Robin Suiffet

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Le merveilleux malheur de Marble.

Claude le père de marble l’avait abandonné. Il ne se servait pas des instruments traditionnels de la peinture, il ne faisait pas de tableaux. Comme un peintre qui ne fait pas de peinture. Il n’avait pas d’autres messages à transmettre que la trace de notre passage brûlant, le signe de notre condition de comètes. Pourtant des années plus tard il l’admit comme sa création, car elle avait changé, elle n’était plus vide mais pleine de son absence. Il ne se pardonna jamais son acte et disparut dans le silence avec les autres. Et pour elle qui avait l’éternité pour y songer c’était un merveilleux malheur

Alexis Gnilka

 

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Allégorie de Marie-Louise

Marie Louise avait besoin de ses pierres pour respirer. Elle les posaient sur son ventre et sentait son sang traverser son corps dans un long silence. Elle savait qu’une éternité à paraître toujours agréable l’attendait. Paraître car elle n’était pas le sujet. Une vieille cariatide sur une console Louis XIV n’était là qu’à des fins purement esthétiques.

Le sujet, lui, était le tout dans un vide abyssal. Dans le vide apparaît la création ; ce n’est pas rien ! On se demande, nous, les créations, si le sujet fut un vide à ajouter au néant ou une place légitime à la construction de l’identité. Maintenant il ne reste que des pierres, des ruines de grandes créations et des petites aussi, à l’intérieur des grandes. Le sujet est tu. Il est silence, maintenant. Pour certains, il l’a toujours été, Claude disait « L’alphabet de la peinture n’appartient ni à la parole, ni à la pensée logique. L’art n’a besoin d’aucune question ; c’est une question qui veut demeurer telle ». Elle enviait le sujet même s’il n’était plus, car lui, était libre.

Alexis Gnilka

 

 

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Inauguration Festival Flocon d’Art 5ème édition

Vernissage Fd'A 2018

Inauguration Festival Flocon d’Art 5ème édition

Dimanche 4 mars à 18h – Lanslebourg

Vernissage exposition Patrimoine et empreinte du temps

en présence des artistes

Robin Suiffet & Alexis Gnilka

concert

 

Venez fêter l’inauguration du festival qui fait boule de neige

Inauguration – vernissage – concert

Un radeau va atterrir pour l’occasion au milieu de la salle des fêtes de Lanslebourg. Sur fond de jazz, vous allez être témoins de l’existence d’étranges artefacts réunis avec soin par Robin Suiffet & Alexis Gnilka. Le corpus s’intéresse au patrimoine de Haute-Maurienne, et tente de vous rendre témoin oculaire du passage du temps.

 

À propos du festival Flocon d’art

Le Flocon d’art est un festival pluridisciplinaire qui mêle théâtre, marionnettes, musique, expositions, ludothèque et concerts. Créé en 2013 à l’initiative de la compagnie Vieil’art et de la commune de Val Cenis, la 5ème édition du festival se déroulera du 4 au 8 mars. La vocation du festival est de promouvoir des compagnies et artistes émergents de la région Auvergne Rhône-Alpes et de proposer à tous un travail artistique original à un prix abordable.
 

À propos de l’exposition

Carte blanche à Robin Suiffet cette année, qui s’associe au talentueux Alexis Gnilka pour présenter un corpus d’œuvres hétéroclites rassemblées autour d’une réflexion archéologique. L’art matérialise le temps en le figeant dans un cadre. Les souvenirs, les mythes, les expériences, tout ça est gelé, préservé derrière une vitre et encadré pour servir ensuite de témoignage. Mais le temps a raison de tout, et à moins de se consacrer à la préservation de notre patrimoine, tout finit par céder au dégel. Le patrimoine est fragile comme un bloc de glace au mois de mars.

 

À propos de Robin Suiffet

www.robinsuiffet.com

Robin Suiffet a passé la première partie de sa vie au pied des montagnes, sous la frontière italienne du Mont-Cenis. La présence active des massifs montagneux, l’alpinisme et ses victimes, les vastes domaines forestiers constituent un ferment propice au développement d’une ferme définition de la notion philosophique du Sublime, sensation d’écrasement et d’humilité face à une nature majestueuse et qui force l’admiration. Il poursuit l’étude de cette notion à travers une pratique contemporaine de l’art en perpétuelle remise en question. Il expose aujourd’hui entre Lyon, Grenoble et la Maurienne.

 

À propos d’Alexis Gnilka

Après un diplôme en arts plastiques à l’École Supérieure des Beaux-Arts de Montpellier, Alexis Gnilka poursuit ses recherches sur le classicisme français. Il s’intéresse à la notion de facture et se lance dans l’apprentissage de l’ébénisterie et la découverte des « ornemanistes », de Louis XIV à Charles X. Pendant quatre ans, il a travaillé aux côtés de l’antiquaire Jean Gismondi où il a pu explorer des procédés ancestraux. Pour lui la technique sert son propos intimiste. Dans l’élaboration d’une mythologie personnelle, il travaille aussi bien la peinture, le dessin, l’installation, la photo que le Ready Made.

 

Informations pratiques

Inauguration Festival : Dimanche 4 mars à 18 h
Permanence : du 4 au 8 Mars 10h30-18h

Salle des fêtes de Lanslebourg

73480 Lanslebourg

 

 

 

 

 

 

Autour de l’Apocalypse

Tu trouveras quelque chose de plus dans les forêts que dans les livres. Les arbres et les pierres t’enseigneront ce qu’aucun maître ne te dira.

St Bernard de Clairvaux

 

Constat

-Nouveau-né qui se rendra compte de son état de pixel dans une démographie exponentielle

-Jeune actif bombardé dans un marché du travail sauvage

-Senior déçu et désemparé face à une machine qui s’emballe et qu’il abandonne à la postérité

À chaque âge son constat d’impuissance face à un monde contemporain à la dérive et la peur de s’y dissoudre comme une goutte de sang dans l’océan.

 

Le cheminement de l’homme, notamment par l’évolution technique, ayant causé la disparition de tous ses prédateurs naturels, l’espèce humaine a couvert l’ensemble de la planète et se trouve désormais confrontée à son propre envahissement. Il s’agit de répondre à un défi biologique, de porter un regard lucide sur les problèmes que pose la survie de l’humanité.

Jean-Pierre Tertrais Du développement à la décroissance. De la nécessité de sortir de l’impasse suicidaire du capitalisme.

 

Correction

Prendre du recul, et rouvrir les yeux avec la hauteur des millénaires et des années-lumière.

Regarder le haut de l’échelle naturelle pour reprendre humblement sa place dans les échelons inférieurs.

Cette démarche a un nom : il s’agit du principe du Sublime en esthétique.

Dans une époque où l’individu semble dilué dans un monde surpeuplé et hystérique, le Sublime permet la mise à l’échelle de l’existence humaine par rapport au cosmos (ontologie). Dans une époque où la Nature demande à reprendre sa voix dans une pensée écologique, le Sublime fait porter la voix de la Nature et son mystère (esthétique). Enfin dans un monde où les repères moraux oscillent entre dilution dans le consumérisme et extrémisme religieux, le Sublime permet un étalonnage nouveau de la morale par rapport à un repère cosmique (éthique).

 

Démarche

Contamination de la photographie par des fantômes

Mystérieux artefacts d’un autre temps

Scènes apocalyptiques

Figurer le réel (art figuratif) et y insérer le Sublime dans un instant irréel. Faire ainsi apparaître de miraculeuses failles dans la réalité, une ouverture vers la vertigineuse immensité du monde.

 

R.S


Signature 2

Maison Hantée

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Rétrospective

Maison Hantée

Expo collective

31-10-2016

Taverne Guttenberg

Antonin Boyrhev – Dounia Jauneaud – Henri Lamy – Malou Redares – Pauline Repussard – Stephanie Argentier – Laura Automne – Dubol – Florian Eymann – Mauvaise Foi – Kazy – Abdul Khadre Seck – Gilbert Mazout – Madame Moustache – Carlos Olmo – Justin Person – David Proux – Baptiste Riera – Mr Sphinx – Robin Suiffet

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Creusage des galeries

Lulululu

 


 

Attention scoop!

Extrait des Carnets sous la montagne

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Signature 2

Paroles en friche

Exposition collective

05/10/2016

Taverne Guttenberg, 3 rue de l’Épée, Lyon 07

Contribution de Robin Suiffet proxemie
Proxémie du mot « friche »

(Projet Prox, collaboration du laboratoire CLLE/ERSS et Kodex⋅Lab)

 La friche : ce qui est inexploité, à l’abandon, en état d’inculture. Buissonnement indistinct. Négligement. Processus de retour à l’état de nature. Des orchidées sur tuteur Grammatophyllum speciosum (plus grande orchidée connue au monde) font place à d’autres fleurs, plus ou moins belles, mais plus naturelles. Certaines sont blanches, encore que : d’une teinte moins pure, leurs reflets dépendent de la lumière du soleil. Couleur crème ? Albâtre ? Blanc de lait ? Blanc neige ? Blanc de saturne ?

Quand l’agriculteur (ou l’académicien) s’absente, on viendra à s’intéresser au foisonnement naturel des végétaux (et des mots). La nature (ou la parole) en friche donne lieu à tout et à rien. En tous cas en dehors des sentiers battus : en dehors des tuteurs et des rangs d’oignons. Les friches industrielles voient l’arrivée d’une nouvelle végétation. L’herbe s’installe progressivement, et les arbres font éclater le béton. Des vers naïfs décousus naissent dans des cahiers de brouillons pendant la récréation.

Que retenir de ce qui pousse de façon sauvage ? Y poussent des fleurs, des plantes médicinales et comestibles, mais aussi des plantes invasives et vénéneuses. Des louanges, des poèmes, mais aussi des pamphlets et des mensonges. Plus intéressant : la question « que retenir » pose une deuxième question, plus essentielle, celle de l’humain parmi ce foisonnement. L’Homme est-il maître et possesseur de la nature et des concepts, ou en est-il partie intégrante ?

Le monde et les concepts appartiennent au dialecticien. Hegel englobe le monde en le subdivisant dans ses tripartitions. Comme le paysagiste de Versailles maîtrise les buissons en leur donnant la forme de concepts : des triangles, des parallélépipèdes. Pourtant l’humain et le buisson sont faits de la même pâte naturelle, issus de la même friche. L’existence humaine n’est qu’une contingence, fruit d’une évolution hasardeuse. Mais L’Homme a la chance de ne pas être qu’un buisson. Sans tomber dans l’écueil de l’expression « maître et possesseur » des plantes et des animaux donnée par Dieu lui-même au moment où il a crée l’Homme, ce dernier a néanmoins la chance et la caractéristique d’être conscient, et de se poser la question essentielle : qui suis-je, et comment placer l’Homme dans le monde. L’homme n’est pas un buisson, c’est un « roseau pensant » comme dirait Pascal.

Adopter un regard global sur la nature en friche.

Contempler le cosmos dans son entier

et constater la place absurde et minuscule de l’Homme dans ce système naturel.

Regarder dans le prolongement de ce terrain en friche en direction de la montagne,

et mesurer son corps frêle face à elle.

Regarder également la profondeur des concepts :

lege, lege, relege, ora, labora et invenies (lis, lis, relis, écoute, travaille et découvre).

Se mesurer à la montagne comme on affronte son esprit à une encyclopédie. Contempler un orage comme on lit du Victor Hugo.

Aller jusqu’au bout de la parole dans la descente du Maëlstrom d’Edgar Poe

Avoir le vertige devant un abîme ou en passant les portes de l’enfer

avec Dante et Virgile.

La parole inspirée permet de percer les « portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible ». Des portes accessibles au regard, à qui ose se mettre à l’échelle du cosmos. Qui ose regarder dans la vastitude des choses aura les yeux dessillés.

R.S

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Contribution d’Antonin Boyrhev

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